Alors que la compétition entre start-up fait rage dans les grands centres urbains à l'offre de services de mobilités pléthorique, certaines ont décidé de tourner le dos à ces marchés pour aller là où personne ne portait le regard :
les zones peu denses que sont les petites villes et les aires périurbaines. Sont ainsi apparues des sociétés comme Clem' (autopartage), Ecov (covoiturage) ou encore Green On (vélos électriques partagés), qui développent des services adaptés aux spécifiés démographiques et économiques de ces territoires.
"Dans les zones denses, il y a trop d'offre. Les acteurs sont plutôt en train d'essayer d'unifier ces services pour créer des offres multimodales et limiter la friction. Alors que dans les zones peu denses, ces entreprises viennent combler un manque d'offre", analyse Jean-François Dhinaux, directeur marketing stratégique et synergies du fonds spécialisé en mobilités ViaID, qui a participé au dernier tour de table de Green On (1,35 million d'euros).
Mais pour réussir à répondre à cette demande, les entreprises ne peuvent pas répliquer les modèles des services de mobilités des grandes villes. Ces derniers sont basés sur la présence d'une forte masse critique et de puissants effets de réseau qui permettent à l'offre et la demande de se rencontrer facilement. En zone peu denses, atteindre la masse critique est le plus gros challenge des entreprises de mobilités.
Trouver les points de densité
Pour y parvenir, la start-up de covoiturage Ecov a par exemple fait tout un travail d'analyse des flux et d'information auprès du public. Elle a déployé sa solution de covoiturage courte distance sur six territoires (Vexin, Ouest rhodanien, Porte de l'Isère, Sénas–Salon-de-Provence, Venelles, Chambéry Métropole) en collaboration avec des collectivités.
"Ce qui compte, ce n'est pas que les gens habitent au même endroit, mais qu'ils passent par les mêmes axes", explique son fondateur Thomas Matagne. La société a développé un outil de diagnostic du potentiel de covoiturage des territoires qui aide à détecter les zones et les trajets les plus propices au déploiement de lignes de covoiturage. Il lui permet ainsi de cibler les prospects les plus intéressants, mais est aussi vendu aux collectivités.
Une fois ces axes à fort potentiel identifiés, la société y dispose des stations de covoiturage connectées, où se retrouvent chauffeurs et passagers. Les utilisateurs peuvent y demander et régler un covoiturage et avoir une estimation du temps d'attente. Il est aussi possible de le faire depuis une application. Quant aux conducteurs, ils sont notifiés par SMS ou sur l'appli, mais aussi via des panneaux d'affichage lumineux placés en bord de route. Ce mélange de service numérique et d'infrastructure physique est crucial pour faire participer toute la population, dont une partie n'est pas forcément habituée aux applis de mobilités.
Autre solution, celle d'Allocab, seule plateforme de VTC implanté dans des dizaines de petites villes françaises comme Belfort, Cognac ou Carcassonne. La plupart des services ne sont présents que dans des grandes villes car ils sont basés sur des commandes en temps réel. Il faut donc beaucoup de chauffeurs afin d'être sûr que l'un d'eux sera à proximité et pourra arriver dans un délai raisonnable. Impossible dans de petites agglomérations. Allocab propose donc des réservations en différé, entre quelques minutes et plusieurs jours à l'avance.
Pour Green On, qui équipe entreprises et petites collectivités de ses flottes partagées de vélos électriques, la problématique est géographique : comme le territoire est vaste mais peu densément peuplé, il lui faudrait installer de nombreuses stations peu rentables sur toute la zone couverte. Pour la même raison, le free floating est inenvisageable : les vélos se retrouveraient dans des zones périphériques et ne reviendraient jamais vers le centre.
Green On installe donc des stations dans des points de forte concentration de population comme les sites d'entreprises ou les campus universitaires. Et grâce à des modèles de locations de moyenne durée, les utilisateurs peuvent garder le vélo en rentrant chez eux, supprimant ainsi le besoin d'une station proche de leur point d'arrivée.
Le modèle économique des services de mobilités diffère également de celui des grandes villes. Dans les zones peu denses, le B2C pur est inenvisageable. Si le service final est souvent à destination du grand public, il ne tiendrait pas sans être en tout ou partie subventionné par les collectivités et les entreprises, qui rémunèrent ces start-up pour leur prestation de service de mobilité.Dans les zones peu denses, un modèle économique purement B2C est inenvisageable
"En zone peu denses, il faut monter des écosystèmes", résume Jean-François Dhinaux. Autres structures approchées par l'opérateur d'autopartage Clem', en plus des entreprises et les collectivités avec lesquelles il travaille déjà : l'habitat collectif. "Les véhicules peuvent-être la propriété des bailleurs, qui les partagent à des tarifs préférentiels avec leurs résidents", explique Burno Flinois, président de Clem'.
Peu de clients, peu de concurrents
Mais un modèle B2C pourrait émerger grâce à des aménagements réglementaires. Pour développer les transports de personnes dans les zones rurales, le gouvernement envisage, dans le cadre de la loi mobilités en préparation, d'autoriser une sorte de Heetch des campagnes, c'est-à-dire un statut et une rémunération pour le chauffeur à mi-chemin entre le partage de revenus du covoiturage et la pratique professionnelle des VTC. Devenu aujourd'hui un VTC traditionnel, Heetch proposait au départ un service de nuit moins cher que les VTC basé sur des chauffeurs particuliers rémunérés, qui a été interdit par la justice en 2017.
Les entreprises lancées sur ce créneau sont-elles masochistes ? Pourquoi convoiter une zone d'activité dans laquelle la masse critique est difficile à trouver et la rentabilité incertaine ? Le bon côté de ces difficultés est que le marché est moins attractif, donc moins compétitif. "C'est un marché très atomisé. Il faut trouver le bon modèle pour faire passer les services à l'échelle et les rendre rentables.
Mais il crée des start-up différenciantes et plus difficilement copiables", constate Jean-François Dhinaux. "Nous ne pourrions pas vivre avec une concurrence trop forte, reconnaît Bruno Flinois. "Clem ne s'en sortirait pas en gagnant seulement un appel d'offre sur deux, au lieu de 70% actuellement." Peu de clients, mais peu de concurrents : la recette imparfaite des mobilités en zones peu denses.
Source : Cette information et actualité qui a suscité notre intérêt, a été publiée sur le site journaldunet.com que nous remercions. il nous a semblé pertinent de vous en faire profiter.