Lorsque l'application chinoise TikTok a été sommée de quitter le marché indien sur fond de fortes tensions frontalières entre l'Inde et la Chine, les citoyens indiens ont fait face à un curieux mélange d'émotions : d'une part, une colère partagée contre le régime de Pékin, et d'autre part, un sentiment de perte profonde.
TikTok constitue en effet un phénomène unique en son genre dans la péninsule indienne, érigeant des citoyens comme les autres en véritables stars grâce à ses multiples vidéos n'excédant jamais 15 secondes. Si l'application de la société chinoise Bytedance avait donné à des Indiens de tous horizons l'opportunité de se divertir ensemble, son interdiction vient de mettre un point final à cette expérience partagée.
Reste que la nature a horreur du vide, et il n'aura pas fallu longtemps pour que des développeurs indiens s'engouffrent dans l'espace béant laissé par TikTok dans l'immense marché indien. Bolo Indya, Mitron, Chingari, Roposo et quelques autres ont mis en marche leurs turbines pour profiter de cette occasion unique de répondre à ce besoin presque insatiable de divertissement.
Des concurrents à la pelle
Parmi ceux-ci, l'application Mitron est celle qui a le plus retenu l'attention : d'abord pour avoir été interdite de la boutique Google Play Store pour avoir violé sa politique en matière de spam et de fonctionnalités minimales, puis pour l'énorme trafic quotidien qu'elle revendique, et qui aurait selon son développeur augmenté de 11 fois depuis l'interdiction. Mitron a également déclaré comptabiliser plus de 17 millions de téléchargements, enregistrés en seulement deux mois de présence sur le Play Store.
Sharechat, qui se décrit comme la plus grande application régionale de médias sociaux en Inde, avec plus de 150 millions d'utilisateurs enregistrés et 60 millions d'utilisateurs actifs mensuels dans 15 langues indiennes, a de son côté annoncé que sa courte application vidéo Moj avait enregistré plus de 15 millions de téléchargements en quelques jours seulement depuis l'interdiction. Une autre application, Chingari, affirme avoir enregistré plus de 25 millions de téléchargements et près de 3 millions d'utilisateurs actifs quotidiens.
Des chiffres considérables, mais qui n'ont toutefois rien à voir avec ceux enregistrés par Bytedance dans la péninsule indienne, alors que la direction de la maison mère TikTok avait récemment indiqué que son application aurait été téléchargée environ 660 millions de fois en Inde.
Une course d'obstacles pour les aspirants
Les développeurs indiens ont toutefois plus d'un tour dans leur sac. Certaines applications ont ainsi commencé à expérimenter de nouveaux modèles pour étendre leur portée. Chingari, par exemple, propose de payer les compositeurs de musique sur sa plateforme, en fonction de la popularité de leurs chansons. La hausse du trafic a poussé ces entreprises à embaucher des développeurs, des designers, des responsables de marque et des chefs de produits.
Mais voilà le hic. La transformation de toutes ces applications en ersatz indien de TikTok nécessite pour leurs développeurs un cocktail de prérequis dont aucun ne dispose à l'heure actuelle. Si une application veut atteindre une portée nationale, elle nécessite tout d'abord un investissement conséquent. Devinez à quel endroit se trouvent des capitaux apparemment inépuisables ? La réponse à cette question se situe bien en Chine, et non en Inde.
Si la Chine a déjà investi des centaines de milliards de dollars dans des entreprises indiennes, il est toutefois peu probable que des investisseurs chinois se proposent pour financer des concurrents au champion national qu'est TikTok.
De plus, une nouvelle loi récemment adoptée par le gouvernement indien exige une autorisation préalable des autorités si les fonds proviennent d'une entreprise située dans un pays qui partage une frontière terrestre avec l'Inde – en d'autres termes, la Chine. De quoi douter de la naissance future d'un concurrent indien pour TikTok.
Pendant ce temps, des millions d'anciennes stars de TikTok fuient vers YouTube et Instagram – qui a sorti son propre clone appelé Reels. En même temps, ces stars espèrent et attendent secrètement le retour de TikTok, ce qui pourrait bien se produire si les choses se calment considérablement entre l'Inde et la Chine. Et cela pourrait bien arriver plus vite que prévu, en raison des sommes en jeu.
Source : Cette information et actualité qui a suscité notre intérêt, a été publiée par Rajiv Rao sur le site zdnet.fr que nous remercions. il nous a semblé pertinent de vous en faire profiter.